Passeur de cultures
鐘響兆福
Cloche qui résonne annonce les meilleurs auspices
‘zhōng xiǎng zhào Fú’ - Pratique culturelle, Temple taoïste, Pékin.
De même que pour cette cloche, faire résonner une rencontre entre deux cultures est source d’expériences extraordinaires et d’échanges d’une grandes richesse. C’est à mon sens l’un des principaux apports du voyage, celui qui nous fait grandir et nous transforme.
Encore faut-il arriver à produire l’étincelle liant deux personnes, deux peuples alors que les barrières sont nombreuses : us et coutumes, caractères variés, religions, règles, langues, apparences. Sujet de mes attentions, sujet d’importance pour la réussite de mon projet, j’ai tenté d’intégrer cette réflexion dès la préparation de mon voyage.
Comment produire cette résonnance entre le voyageur et les autochtones ?
Première condition impérative et règle d’or du voyageur : l’ouverture d’esprit, une attention à ce qui nous entoure et le sourire, baguette magique qui peut lever bien des barrières. Cependant, cela peut parfois présenter ses limites que ce soit pour des raisons contextuelles, culturelles ou si on a l’air d’un baroudeur solitaire barbu taoïste maghrebin tout droit descendu de sa montagne.
Pour parer à un maximum d’éventualités, j’ai tenté d’avoir plus d’un tour dans mon sac, littéralement ou pas, pour passer d’une culture à l’autre, pour faire passer d’une culture à l’autre.
Et parce que c’est plus drôle ainsi, illustrons tout cela sous forme de petites anecdotes de voyage. La série d’articles “Passeur de cultures” sera donc dédiée à la mise en valeur de ces moyens qui m’auront permis de créer des passerelles entre les mondes.
Explosion musicale en transsibérien
La célèbre froideur du peuple russe n’est plus à présenter
3 jours de train continus, seul au milieu de russes est un bon moyen pour s’y confronter… … et tenter de passer cette première barrière !
Ma première semaine dans ce monde fut bien solitaire malgré mes tentatives d’approche souriante au succès hélas bien modeste. Malgré mon habitude des relations interculturelles, ces échecs répétés, l’isolement et le bouleversement du changement de vie ont parfois donné une teinte peu colorée à ce début de voyage. Rien de bien grave ceci dit, car ce sont ces moments aussi qui font bouger l’esprit.
Après 2 jours de méditation, contemplation et écriture, je me décide à réaliser un de mes défis personnels
Jouer de l’accordéon dans le transsibérien ! La musique est connue pour être un des ponts entre toutes les cultures ; j’avais donc décidé malgré le poids d’emporter mon accordéon sur le chemin. Me voilà à le sortir, timidement, au milieu de ce wagon dans sa routine du 3ième jour.
Aussitôt les regards se tournent, le contrôleur au visage fermé depuis le début devient tout sourire et accours avant même la première note me montrer une vidéo de passagers musiciens d’un précédant voyage. Leur prestation est top : voilà la barre fixée bien haut !
Les attentions sont maintenant fixées. Je me lance avec quelques premières notes de Korobeïniki, le fameux thème du jeu Tetris ; depuis le temps que je voulais faire cela en Russie ! Cela semble plaire, on m’interpelle, me questionne en russe de toute part. Me voilà bien démuni avec mes quatre mots de russe. Une dame d’un certain âge à quelques banquettes de là et correspondant trait pour trait à l’imaginaire de la vielle russe au caractère bien trempé se retourne et me baragouine quelque chose du genre : “Можете ли вы играть черные глаза?”.
Face à mon regard vide, elle se met à chanter “les yeux noirs” à capella ! Bien malheureux de ne pas l’avoir appris plus tôt avec mon frère et ma soeur qui l’interprétaient fort bien lors de nos rencontres musicales, je lui fais comprendre que je ne sais la jouer.
Qu’à cela ne tienne ! On part en duo sur Katyusha, elle chantant, moi jouant et la moitié du wagon tapant des mains. Puis sur Kalinka, la voilà qui se met à danser en plus !
Le hasard aura voulu qu’une émission soit tournée dans le train ce même jour. Le contrôleur réalisant cela s’élance dans les autres wagons à la recherche de l’équipe de tournage et reviens plus tard avec eux. Nous voilà reparti de plus belle pour je ne sais quelle émission ou vidéo promotionnelle.
Cette épisode passé, l’ambiance changea complètement dans le wagon. Une jeune fille russe parlant anglais se manifesta et pris le rôle de l’interprète. Malgrè les quelques maigres heures restantes avant ma destination, les échanges furent à partir de ce moment là très riches. Les questions pleuvaient dans les deux sens, on s’échangeait ici et là des mets plus ou moins identifiés aux saveurs surprenantes. J’ai même failli finir marié par la grand-mère russe !
La chaleur humaine entre tous était alors palpable, confirmant ainsi que cette soi-disant froideur russe n’est autre qu’un cliché de plus.
Vous l’aurez compris la musique et, dans le cas de cette histoire, l’accordéon sont un magnifique passeur de cultures. Les trois kilos cinq en plus dans mon paquetage sont bien peu en comparaison des instants passés dans ce train et de ce que j’ai pu apprendre de cette culture russe.
À suivre…