Savoirs en chemin

La quête du Grain

À notamment デコさん, シネマさん, じろうさん, ゆうかさん, ともこさん, なかのさん et ひろこさん… Ce fut une longue aventure.


藁と大豆、だけ


Partir à la rencontre de différentes cultures traditionnelles et vivre avec les personnes qui les perpétuent impliquent sans grande surprise une multitude de découvertes.
La première peut-être est de ressentir concrêtement par nos sens et nos émotions à quel point nous sommes tous les mêmes au coeur. Par “au coeur”, je fais référence à tout ce qui fait la base de nos vies, les plaisirs les plus essentiels et les choses les plus fondamentales. Mais j’y reviendrai probablement plus longuement dans un texte futur, car ce qu’il me plaît de partager ici avec vous est un autre pan des découvertes culturelles, certainement un des plus vastes : la nourriture !
Je n’ai pas encore rencontré de culture qui ne réserve pas une place spéciale à la nourriture. Partout, on semble fier de nos mets locaux, on est heureux de les partager avec nos proches et souvent plus encore avec les étrangers.

L’alimentation est ainsi bien des choses : un lien social, un pont entre les cultures, un des piliers de la santé, une source de bonheur… C’est aussi un des éléments fondamentaux de notre rapport à la nature ce qui, dans le cadre de cette quête de savoirs que je poursuis, est naturellement incontournable !

Et parmi toutes les aventures culinaires que j’ai pu vivre, et croyez-moi le choix du mot aventure décrit parfaitement la rencontre de certaines victuailles, une d’entre-elles a laissé une trace toute particulière. Cette “trace” pourrait très bien faire référence ici aux filaments visqueux que laisse cette spécialité japonaise sur tout ce qui a le malheur d’entrer en contact avec elle ou encore à son odeur rivalisant parfois avec nos fromages les plus corsés. Sans presque exagérer, une erreur de manipulation est ainsi parfois associée à une attaque bactériologique. Et c’est d’ailleurs littérallement le cas !

Cependant il est question ici d’une toute autre trace, puisque je faisais référence à la passion qui s’est petit à petit développée chez moi pour cette merveille.

Étonnant me direz vous d’après ma première description et pourtant ! On a là un plat surprenant voire choquant au premier abord. Puis, si l’on passe ce premier obstacle, on verra sa saveur évoluer de “simplement intéressante” à “diversité et richesse potentielles quasi infinies”. Il est une des fiertés de la culture niponne. Associé comme il est coutûme de le faire avec du riz, il devient une base alimentaire dont la réputation pour la santé n’est plus à faire. Tout cela tiré d’un aliment d’une simplicité déconcertante. Simplicité que l’on retrouve également dans son processus de fabrication.

Voici donc la modeste présentation de ce monument qu’est le Natto - 納豆.

Natto, ce n’est rien d’autre que de simple graines de soja fermentées.
On le déguste parfois en soupe ou fouré dans des rouleaux de riz et d’algues (MAKI) ou autre, cependant il est principalement consommé en accompagnement du riz. Il est alors utilisé seul ou se couplant à merveille à toute sorte d’autres aliments.

On le mélange vivement avec les baguettes multipliant ainsi son pouvoir gluant visqueux et lui donnant presque l’aspect d’une boule d’oeufs d’araigné aglutinée. Puis on l’agrémente à souhait.
Pour ma part ce fut une première rencontre assez corsée ; Quelques jours à peine après mes premiers pas au Japon, c’est au petit-déjeuner qu’il me fut offert, mélangé avec un oeuf cru et bien-sûr à verser sur mon bol de riz !

Étant une des nourritures de base au Japon, il est consommé par beaucoup quotidiennement, et c’est dans les supermarchés que la quasi totalité des foyers se le procure aujourd’hui. La taille du rayon Natto pourrait d’ailleurs presque être comparée à nos rayons fromagerie.
Une situation qui malheureusement aboutit sur un bilan environnemental catastrophique ! Son conditionnement se fait sous forme de barquettes de portion de trente grammes environ mélangeant plusieurs couches de différents plastiques. Et il semble qu’une bonne partie du soja utilisé au Japon dans ces productions industrielles provienne de l’étranger, l’associant ainsi à des problématiques de déforestation et d’OGM.

Et c’est d’autant plus dommage que la préparation du natto à domicile, d’une simplicité enfantine, permet de réduire ces déchets à zéro tout en contrôllant l’origine des produits utilisés ! Bien entendu, on s’y retrouve également niveau prix et qualité gustative !

Et c’est là un paradoxe, la préparation de natto est tout aussi simple qu’oubliée par la majorité des japonais. Certains appelleront probablement cela le progrès mais je crois que je vois là un signe de plus de décadence de nos façons de vivre.

Voyez-vous, natto n’est rien d’autre que des grains de soja cuits auxquels on a inoculé la bonne bactérie et que l’on laisse fermenter le temps adéquat et dans les bonnes conditions, notamment à chaude température. Cette bactérie est issue traditionnellement de la paille de riz, mais aujourd’hui on peut aussi la récupérer soit en achetant un sac de poudre de bactérie, soit en utilisant un paquet de natto acheté.

Et c’est là le grand secret des bienfaits de cet aliment. Dans bien des cultures on retrouve des aliments à base de fermentation. Deux raisons à cela, une conservation plus aisée et des bienfaits multiples sur la santé. Les japonais ne tarissent pas d’éloges sur les effets bénéfiques du natto en raison de cette bactérie particulière.

De mon coté, la magie avait opéré : j’étais devenu très friand de cet aliment et j’y voyais un élément idéal pour intégrer une alimentation simple, locale et végétarienne. Ne pouvant vraiment l’acheter en France et de toute façon souhaitant éviter les travers cités ci-dessus, c’est au final dans une vrai quête que je me suis lancé lorsque j’ai décidé d’apprendre sa préparation. Car, non content de devoir trouver les rares personnes encore capables de faire eux-même du natto, j’avais aussi mes contraintes habituelles : produire un natto le plus sain possible, où que je sois, en limitant l’usage d’énergie ou de matières fossiles tels que le plastique.

Au cours de mon temps passé dans ce pays, j’ai successivement vécu dans une quinzaine de foyers différents et, pendant plus d’une année, à chaque nouvelle rencontre je questionnais au sujet de ce qui était devenu une de mes quêtes culinaires. Il y eu ainsi de nombreuses tentatives avec des techniques différentes, plus ou moins traditionnelles, plus ou moins complexes.
Hélas, à chaque fois le résultat au niveau gustatif allait de très moyen à immangeable.

Puis vint la rencontre longtemps attendue de DEKO San, célèbre cuisinière en cuisine macrobiotique auprès de qui fut trouvé le Graal !

J’obtenais grâce à elle la technique de fabrication parfaite.
Uniquement à partir de soja et de paille donc reproductible où que je sois, le procédé est à la fois simple, rapide et se passe d’électricité pour le maintien de la température. Et surtout, le goût est parfait ! Probablement le meilleur natto qu’il m’ait été donné l’occasion de manger.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Et elle promet même de belles aventures futures. Car, tout aussi simpliste que puisse paraître le Natto, il offre de bien nombreuses possibilités de variations, d’expérimentations et donc de délectations !

C’est en discutant avec JIRO San, un autre acteur important de ma quête et un expert passionné et passionnant de Natto, que j’appris tout cela. L’idée est là encore assez simple. Natto repose sur deux ingrédients seulement ; il suffit donc de jouer sur ces deux facteurs.

La bactérie que l’on développe massivement en produisant du natto est une bactérie très résistante, aux propriétés utiles nombreuses et très présente dans la nature, surtout chez toutes les plantes de graminées tels que le riz ou le blé. En variant la plante utilisée, on peut ainsi obtenir une grande diversité de goûts.
Quant au soja, on peut commencer par changer la variété de soja utilisée, mais ensuite c’est tout le champs des légumineuses que l’on pourrait potentiellement utiliser : lentille, fève, flageolet, etc.

JIRO San a parmi ses rêves, celui de devenir NATTOYASAN, vendeur de natto, en France.
À explorer toutes les possibilités de cet aliment, c’est peut être moi qui vais finir ainsi !